Au-delà des pénalités, la démonstration de force



Arrêter Fabio Quartararo quand sa combinaison s’est ouverte en Catalogne, pour sa propre sécurité, aurait pu avoir du sens. Mais le pénaliser cinq heures après, sans raison apparente et sur la base de plaintes d’adversaires, a de quoi déconcerter. Et fait passer au second plan la performance du pilote français, initialement arrivé troisième dans ces conditions délicates. Notre Édito du lundi revient sur cette décision de la Direction de course, et ouvre le débat.

Nous aurions aimé consacrer cet éditorial post-GP de Catalogne au retour du public sur les courses – 32 573 entrées payantes sur l’ensemble du week-end –, à la première victoire KTM de l’année ou à la redoutable régularité de Johann Zarco. Mais les événements du Grand Prix en ont décidé autrement. Et par événements, nous entendons les décisions de la Direction de course.

Rappelons brièvement ce qu’il s’est passé. Deuxième derrière Miguel Oliveira, Fabio Quartararo s’est retrouvé avec sa combinaison ouverte à 5 tours de l’arrivée. Il a tenté de la remettre, sans succès, puis a fini la course comme ça, torse nu. L’incident lui a fait perdre du temps et coûté la lutte pour la victoire. Il a terminé troisième, puis a été privé du podium (quatrième) suite à une pénalité de 3 secondes pour avoir coupé la première chicane du circuit, au 22e tour.

Il était environ 13h32 quand son cuir s’est défait, 13h40 quand il a franchi la ligne d’arrivée… et 19h quand la Direction de course a décidé de lui infliger une deuxième pénalité de 3 secondes pour cela. Les commissaires s’appuient sur l’article 2.4.5.2 du règlement des Grands Prix, qui stipule qu’un pilote doit correctement porter ses équipements de sécurité durant tout le temps où il est en piste.

Ce qui est ici discutable et discuté, ce n’est pas le fait de se pencher sur cet incident, quand bien même fut-il involontaire. Mais de le faire plusieurs heures après, parce que d’autres (Ducati et Suzuki) le demandent. Et sans expliquer pourquoi.

Fabio Quartararo aurait-il dû être arrêté – drapeau noir avec disque orange – au moment où sa combinaison s’est ouverte, pour sa propre sécurité ? Peut-être, sans doute. C’est ce que pensent plusieurs pilotes, car on imagine les conséquences d’une chute dans ces conditions. Mais la Direction de course a eu 5 tours et plus de 8 minutes pour le faire. En salle de presse, il n’a pas fallu 30 secondes pour que nous soyons plusieurs à craindre la sortie d’un drapeau noir. Ça n’a pas été le cas. Et c’est pour cette raison que sanctionner cinq heures plus tard, quand tout est terminé, n’a pas beaucoup de sens.

Alors, pourquoi ? Pour « montrer l’exemple » ? Cela ne tient pas debout, car Fabio Quartararo est surtout victime de ce qu’il s’est passé. « C’était déjà assez difficile pour moi de rouler comme ça », a-t-il justement commenté. Créer un précédent du genre est justifiable dans le cas où quelqu’un a fauté, qu’on veut le punir et dissuader les autres de faire ce qu’il a fait. Penser qu’il est pénalisé pour inciter les pilotes à porter leur combinaison serait absurde.

Pour une mise en danger des autres ? Fabio Quartararo n’a mis aucun de ses adversaires en danger, seulement lui-même. Joan Mir s’est plaint du fait qu’il ait jeté sa protection du torse par terre, et que c’était à punir. Or, la notification de la pénalité ne mentionne pas ce geste. Elle évoque le fait qu’il ait roulé sans cette protection, mais pas qu’elle soit laissée en piste et que ça porte préjudice à quelqu’un.

Oui, l’arrêter en course pour sa propre sécurité aurait eu du sens, car cela l’aurait protégé. Mais la combinaison de Fabio Quartararo s’est ouverte à 13h32, pas à 19h. En ce sens, si la mission de la Direction de course est de protéger les pilotes, elle a failli. Et le pilote Yamaha n’y est pour rien.

Oui, le règlement stipule que les équipements doivent être correctement portés. Mais pourquoi avoir attendu cinq heures pour s’en rendre compte ? Pourquoi les adversaires du pilote Yamaha en ont ressenti le besoin, sinon pour lui récupérer des points au championnat ? Et pourquoi 3 secondes de pénalité, une donnée laissée à la libre-appréciation des commissaires ? Manquent, une fois de plus, ce qui a déjà manqué par le passé : des clarifications. Et du sens.

Dans tout cela, on oublie de souligner la performance du Niçois. Celle d’arriver à 340 km/h en bout de ligne droite avec une combinaison qui s’ouvre, se retrouver torse-nu, avoir la protection de la poitrine qui descend et gêne le pilotage, devoir l’enlever, tenter de remettre sa tunique, ne pas y parvenir, rester focus, jouer le podium et même remporter un duel pour le podium face à Jack Miller. Une leçon de maîtrise et de concentration, passée au second plan pour les raisons que nous connaissons.

Fabio Quartararo s’est une fois de plus déjoué des difficultés. Chaque week-end, il montre qu’il a appris du passé et grandi, comme pilote et comme personne. Sa première victoire, celle de Losail 2, s’est construite sur la base de l’étude et l’analyse de sa défaite de Losail 1. De la même manière que celle de Portimao, une revanche prise sur les erreurs de 2020. Au Mans, la course sur le sec lui était promise avant que la pluie ne vienne gâcher la fête, mais il a su aller chercher son premier podium en carrière sur le mouillé. Au Mugello, l’émotion provoquée par la disparition de Jason Dupasquier a été utilisée comme une force pour gagner, quand d’autres – Pecco Bagnaia – sont partis à la faute car submergés et déconcertés (ce qui est tout à fait compréhensible). À Barcelone, la déconcentration et les risques que suppose de rouler avec une combinaison ouverte ne sont pas venus à bout de lui, ni de sa détermination.

« La saison dernière a été difficile mais je pense avoir appris beaucoup de choses, de l’expérience qui peut m’aider au cours de cette année »disait-il à l’aube de la saison 2021. Il l’a encore prouvé en Catalogne. En gérant cette situation, puis en gardant son sang-froid quand la première pénalité est arrivée. « J’ai fait une grande erreur à Misano l’an dernier, où je me suis beaucoup trop énervé, rappelait-il dimanche soir. Là j’ai préféré aller me changer tranquillement, descendre au box, faire mon débrief… Je suis assez content de comment j’ai géré mes émotions. J’ai eu ma combinaison ouverte, je finis troisième puis je me vois quatrième en regardant la tour… J’ai dit ‘On va rester calme, tranquille’. Ce n’est pas le résultat que j’attendais mais je suis content de ma réaction. »

En dépit de cet amoncellement d’obstacles sur son chemin, Fabio Quartararo évite les erreurs, performe et est toujours en tête du championnat.  Malgré l’avant-bras foudroyant de douleur à Jerez, la pluie du Mans, la combinaison ouverte de Montmeló. Il est, avec Maverick Viñales, le seul pilote à avoir terminé toutes les courses dans les points. Et le seul à réussir à faire marcher la Yamaha sur tous les circuits. Le prochain sera le Sachsenring, le week-end du 20 juin.

« On se voit là-bas », a-t-il lancé à ses adversaires après cette deuxième pénalité, dans un message destiné à « toutes les personnes qui sont allées se plaindre » pour l’obtenir. La réponse d’El Diablo, ce sera celle de la piste. Et à ce jeu-là, il est actuellement le plus fort.

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Fred
2 années il y a

Si les juges de la Cour Suprême connaissaient sur le bout des ongles le règlement, pour sa sécurité, Fabio aurait dû être arrêté ou idéalement de mon point de vue, aurait dû s’arrêter hors trajectoire dès que possible et en toute sécurité pour refermer sa combinaison. Cette seconde pénalité tardive, fruit du travail de sape de quelques gagne-petits ne les honore pas. Rendez vous sur la piste prochainement, pour de vrais duels, avec un Fabio comment dire ? Surmotivé

pma
2 années il y a

Je ne peux pas m’empêcher de faire le lien avec les critiques qu’a envoyé Quartararo sur la différence de traitement des sanctions entre Moto3 et MotoGP sur les pilotes qui gênent les autres, lors du GP précédent après la FP2, de mémoire. Je pense que la direction de course a voulu lui envoyer le message « jeune padawan, tu ne fais pas encore partie des élus, donc tu la fermes ». Manifestation brutale d’autoritarisme d’une entité particulièrement maladroite et inefficace depuis 3 ans. Sans compter que ça permet aussi d’envoyer le message « vous voyez bien qu’il faut qu’on fasse tout pour limiter… Lire la suite »

MONARDI
2 années il y a

Le règlement existe et est là pour être appliqué. C’est vrai. Mais c’est un peu facile de l’utiliser contre un pilote qui est souvent (trop ???) devant. Joan Mir se plaint que Fabio aie jeter sa protection. Joan, n’as-tu jamais jeter un tear off en roulant? Un collègue aurait pu rouler dessus… Non, Fabio est trop fort. Il faut s’acharner contre lui !!!

Bigi
2 années il y a
Répondre à  MONARDI

Comparé le fait de jeter un tear off et une protection révèle un manque de connaissance total… Rouler à 340 sur une protection ou se la prendre dessus à cette vitesse et je te laisse imaginer le scénario. Une chose est d’accepter la pénalité tardive de 3 sec qui est ridicule, une autre est de justifié le geste de Fabio en jetant sa protection. Rester les pieds sur terre, le championnat est long encore et faut arrêter de le défendre, il est 1er en championnat c’est en toute logique que tout le monde s’acharne sur lui. Qu’il arrête de se… Lire la suite »

Premel-cabic
2 années il y a

Merci vraiment pour cette article, j ai regardé le gp avec mon fils…et vraiment on était terrifié de voir ça ! Quel courage et quel sang froid ! Je trouve que mir durant la seconde manche au quatar à eu un comportement largement plus limite ! Ds la même course il aurait pu mettre Miller et fabio au tapis, le fait que Miller l est tassé n était vraiment pas intelligent mais tellement mérité ! Reste zen fabio, c est juste un régal de te voir évoluer cette année ! Bon courage à toi et à Johan aussi !

patrick ERBIN
2 années il y a

Zarco avait déjà été sanctionné sans raison vraiment valable et sans explication au GP d’Autriche après que Morbidelli lui soit rentré dedans.
L’aspect tardif de la deuxième sanction de Quartararo à ce GP de catalogne montre bien qu’il y a un problème effectif de pertinence de jugement au sein de la direction de course…

TR7 Tiger
2 années il y a
Répondre à  patrick ERBIN

Idéalement, Quartararo aurait du s’arrêter hors piste pour remonter sa combi. Ce sont des secondes qu’il a économisées, mais qu’il faut compenser par une pénalité.
Sinon, il ne mérite pas une sanction, genre disqualification, puisqu’il subit un incident mécanique.

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Mimi
2 années il y a

Fabio aurait dû être arrêté….Pour la sécurité du pilote…C’est le réglement. Ok
Fabio n’a cas porter plainte contre la direction de course de ne pas avoir réagit et de ce fait n’avoir rien fait pour protéger la vie du pilote en danger.

Paul
2 années il y a

le moto gp a passé la ligne là , il commence à ressembler à la F1 , donc à régresser

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kaliben
2 années il y a

Zarco s’ext fait dezingué un paquet de fois pour atteindre le titre, si t’es pas Espagnol ou Italien, t’as peu de chance d’etre champion du monde…et si tu le deviens , c’est que vraiment t’es au-dessus du lot. Pauvre Mir,il apris une tete enorme.entre lui et Pol Espargaro y’a compete pour etre le plus naze, et ca baguarre sec. Papi Rosi fait de la peine, les motos vont trop vite et il perd son dentier au freinage en bout de ligne droite.Bon on est sauvé car le eresposble de la securité c’est Capirossi et lui il sait ce que percuter… Lire la suite »

Levillain Jean-Luc
2 années il y a

Direction de course !?? Je ne vois pas bien de quoi on parle… Bureau des pleurs plutôt, non ?
Reste comme tu es Fabio : tu es le meilleur ! Et pas seulement sur la piste 💪

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Jc
2 années il y a

Il n’était pas torse nu, ce n’est pas ça être torse nu. Bien qu’en effet son intégrité en cas de chute aurait pu être mise à mal je n’aime pas le fait que vous jouiez sur les mots. Que dit exactement le règlement au sujet de son incident ? Quelles sont les team qui sont allé se plaindre ? Avez vous des documents qui le corroborent ? Idem pour les pilotes, ont ils répondu à une question de la direction de course ou se sont ils plaint spontanément ? Oui c’est un grand pilote, le meilleur pour l’instant, et oui… Lire la suite »